État des lieux de l’égalité homme-femme dans les métiers dits « masculins »

Dans le secteur de l’industrie où la main d’œuvre manque cruellement, l’enjeu de faire connaître les métiers est central. 

En 2024, l’enquête sur les Besoins en main d’œuvre (BMO) de France Travail indique que sur les dix métiers où sont anticipées les plus grandes difficultés de recrutement, six relèvent des secteurs de l’industrie et une du bâtiment. En cause, le nombre de départs en retraite et le manque de jeunes formés dans ces secteurs. 

L’un des leviers possibles est de développer l’attractivité de ces métiers pour les femmes et ainsi se rapprocher de l’égalité homme-femme.

Selon le ministère de l’Économie, elles représentent aussi 30 % des salariés de l’industrie, un chiffre qui stagne depuis dix ans. 

« [Elles] occupent souvent des fonctions support et ne sont que 10 à 15 % dans les métiers de la conception et de la production. » Le constat est sensiblement le même dans le bâtiment. 

Comment les femmes peuvent-elles trouver leur place et les jeunes filles se projeter dans ces carrières majoritairement masculines ? 

Plusieurs initiatives, à l’image du collectif IndustriELLES, relancé par le ministère de l’Économie en 2023, et de l’association Elles bougent, créée en 2005 pour briser les stéréotypes de genre et promouvoir l’égalité homme-femme dans l'industrie, travaillent à des solutions.

Si certaines entreprises font le choix de se rapprocher d’une égalité homme-femme, l’intégration des femmes dans l’industrie varie de façon drastique selon l’entreprise. 

Océane Volteau, 25 ans, technicienne frigoriste, décrit une ambiance de « grand groupe, lourde et compétitive » à propos de son précédent poste. 

« Embauchée à l’issue de mon alternance, le responsable m’a dit clairement qu’il faudrait que je fasse mes preuves encore plus que les garçons ! On m’a mis une telle pression que j’ai fini par partir, songeant à abandonner la profession. »

Malgré la pénurie de main d’œuvre, certaines entreprises ne facilitent pas non plus le parcours des étudiantes qui souhaitent entamer une carrière dans ces secteurs. 

Ainsi, au centre de formation des apprentis de Cholet, l’équipe constate régulièrement que les recherches de stage sont bien plus difficiles pour les étudiantes que pour leurs camarades masculins. 

« J’ai envoyé des dizaines de candidatures pour une alternance, dont une majorité est restée sans réponse, raconte Océane Volteau. Alors que les garçons de ma promotion n’ont eu aucun mal à trouver, il a fallu que j’aille jusqu’à Rennes pour qu’une entreprise me donne ma chance. J’ai failli ne pas pouvoir faire ma rentrée en BTS. »

Dans ce contexte, comment espérer atteindre l’égalité homme-femme ? 

Nous avons posé la question à Bérengère Soyer, formatrice et conférencière, associée à l’entreprise JMS Formation et spécialiste de la prévention au sexisme et au harcèlement auprès des professionnels. 

Identifier et lever les freins à l’égalité homme-femme

Environnement très masculin, manque de modèles féminins et existence de violences sexistes et sexuelles (VSS) dans les parcours d’études, mais aussi inégalités professionnelles marquées en termes d’accès aux postes à responsabilité et de salaire à poste égal… Les répondantes de l’enquête Elles Bougent identifient avec clarté les freins qu’elles rencontrent ou perçoivent dans leurs parcours. 

Elles sont plus de la moitié à souhaiter que les acteurs de l’industrie mettent en place des programmes de sensibilisation dans les écoles et les entreprises en faveur de l’égalité homme-femme, créent des programmes de mentorat et mettent en place des mesures de lutte contre les VSS.

Une partie des acteurs de la filière, y compris dans la formation, s’emploie déjà à mettre en avant l’égalité homme-femme dans les métiers dits « masculins ». 

« On veut développer et améliorer l’accueil de notre public féminin et des minorités de genre, pointe Marthe Chamfrault, formatrice en Génie Climatique au campus Eurespace à Cholet. On est au démarrage d’un gros travail de fond pour faciliter et sécuriser leur intégration. Cela passera par la poursuite de nos actions de sensibilisation sur le respect, les violences sexuelles et le harcèlement et par des sanctions adaptées en cas d’agression sexiste ou sexuelle. Il nous faudra aussi travailler à la formation du corps enseignant et des tuteurs de stage. » 

Un article inspiré du magazine Anjou Eco n°77 – novembre 2024

Agir sur l’organisation du travail

Si l’éducation influe, au sein des entreprises elles-mêmes, un changement de culture doit également s’opérer si l’on veut atteindre l’égalité homme-femme. 

Estelle Gemin, co-gérante de Moreau Associés, entend bien faire évoluer le modèle classique d’organisation du travail, qui ne tient pas suffisamment compte des rôles encore très genrés de la vie domestique (courses, ménage, soins des enfants…), à laquelle les femmes consacrent chaque jour 1h30 de plus que les hommes.

De la même façon, lors de sa grossesse, l’entreprise d’Océane Volteau a adapté ses missions, lui permettant de travailler dans les bureaux à partir du 6e mois. « Au retour, ils m’ont aussi ménagée, le temps que je reprenne le rythme. Et puis, avec un conjoint souvent en déplacement, c’est aussi un grand soulagement d’avoir des horaires flexibles pour aller chercher le petit à la crèche. »

Œuvrer à encourager l’égalité homme-femme dans le milieu professionnel et à combler les écarts de salaires pourrait aussi favoriser l’intégration des femmes dans l’industrie. 

Dans l’enquête Elles Bougent, les répondantes estiment à *81 % que les hommes exerçant ces métiers accèdent plus facilement que les femmes aux postes à responsabilités et à 75 % qu’à poste égal, ils ont un meilleur salaire qu’elles. 

« Quand j’ai découvert que j’étais moins bien payée qu’un autre collègue de mon bureau d’études, plus jeune et à un niveau hiérarchique inférieur, j’ai interpelé mon chef, raconte Marthe Chamfrault. Lui qui était père de trois filles s’est senti bête quand je lui ai fait réaliser qu’il était responsable de cette injustice. »