Gestion des déchets : Transformer une obligation en opportunité

Transition écologique
12.05.2025
Magazine
Réduction des coûts, conformité réglementaire, attractivité de la marque employeur… Mieux gérer ses déchets, plus qu’une pratique vertueuse, constitue un levier stratégique pour toute organisation. Grâce au diagnostic déchets et à des formations ciblées, la CCI accompagne les entreprises dans une transformation durable, à la fois économique et environnementale.
Ludivine Frugier, directrice QHSE chez Rustin et Corina Batard, responsable QHSE. 
Ludivine Frugier, directrice QHSE chez Rustin et Corina Batard, responsable QHSE. 

Et si mieux trier permettait de mieux performer ? C’est le message qu’Angélique Barré, experte déchets à la CCI du Mans et de la Sarthe, transmet aux entreprises qu’elle accompagne. Car derrière l’obligation de trier se cache un gisement d’économies, de valorisation et de différenciation. Dans son dispositif d’accompagnement, la CCI propose un diagnostic complet, réalisé sur site. Pendant environ deux heures, l’experte établit un état des lieux complet : types de déchets produits, quantités, filières utilisées, bonnes pratiques existantes, points de non-conformité... 

"On regarde toujours ce qu’il y a dans les bennes, raconte Angélique Barré. Trop souvent, on y retrouve encore des déchets valorisables -plastique, carton, métaux - dans la benne DIB, dite tout-venant, qui ne devrait contenir que des déchets non-dangereux non valorisables". Or cette mauvaise orientation a des conséquences : coût élevé du traitement, enfouissement évitable, non-conformité. Depuis 2024, les entreprises doivent pourtant produire un rapport annuel de caractérisation de leurs bennes DIB. Et en 2025, de nouvelles obligations renforceront ces règles du jeu.

Rustin : un diagnostic déchets

Face à ces enjeux, le diagnostic réalisé par la CCI apporte une feuille de route opérationnelle, qui comprend des rappels de la réglementation, des conseils personnalisés et des suggestions de filières de réemploi ou de recyclage, locales si possible. "Je reviens six mois plus tard pour voir si les entreprises ont pu engager certaines de ces actions. Ce diagnostic est très vite rentabilisé. Les déchets bien triés vont dans des bennes moins chères", incite-t-elle. 

À La Chartre-sur-le-Loir, l’entreprise Rustin, spécialisée dans les solutions d’étanchéité pour le ferroviaire et les caisses frigorifiques, a sauté le pas. "L’évaluation menée par la CCI nous a permis d’identifier les bons contacts et les bonnes filières, notamment pour le recyclage du silicone qui partait auparavant en enfouissement", explique Corina Batard, responsable QHSE. Résultat : deux tonnes de déchets évitées à l’enfouissement en un an et une orientation vers la valorisation énergétique. "Ce diagnostic a été un vrai gain de temps, très opérationnel", ajoute Ludivine Frugier, directrice QHSE. L’accompagnement a aussi permis de désencombrer le site de plusieurs palettes de déchets électroniques, désormais réemployés par des structures locales.

Aro : du tri à l’éco-conception

Spécialisée dans la fabrication d’équipements de soudage pour l’industrie (automobile principalement), l’entreprise Aro basée à Montval-sur-Loir (300 salariés) génère des déchets techniques variés ; "On recycle très bien nos métaux - cuivre, alu, acier - avec des bacs dédiés, explique Cédric Cavalié, responsable environnement. Puis on a élargi le tri à d’autres flux : plastiques, papiers, bois, huiles, solvants, D3E…" Aujourd’hui, Aro atteint un taux de 89 % de valorisation des déchets. 

Pour aller plus loin, l’entreprise a fait appel à la CCI pour une formation intra-entreprise à destination de ses managers. Trois demi-journées ont permis de sensibiliser une trentaine de responsables à la bonne gestion des déchets. "Ça a changé leur regard sur cette démarche. Quand un manager comprend pourquoi trier, il embarque ses équipes". Aro s’attaque désormais à l’écoconception : remplacement des mousses expansées par des calages carton sur mesure, études lancées pour caler les pinces de soudage de plusieurs centaines de kilos. Objectif : faire de chaque geste un levier de progrès. "Le tri bien fait, c’est une économie directe. Et c’est un vrai engagement collectif !" précise Cédric Cavalié qui se réjouit de ce changement de culture et de l’œil neuf posé en interne sur son métier.

Circet : comprendre pour mieux agir

À l’agence du Grand-Lucé du groupe Circet, acteur majeur des télécoms et de la transition énergétique (4 000 salariés), la formation inter-entreprises a agi comme un révélateur, avec des effets immédiats sur le terrain. "Ce que j’ai retenu, c’est l’importance des filières REP (1) et des éco-organismes, souligne Nadège Bouillot, adjointe QHSE. Ne pas passer par l’éco-organisme équivaut à payer une deuxième fois le traitement du déchet." 

Depuis la formation, les échanges avec le prestataire Veolia ont permis de prévoir des changements de pratiques :  meilleure séparation papier/carton, nouveaux contenants, meilleure gestion des films d’emballage plastiques… Pertinence et gain d’efficacité ! "La formation permet de se poser, de se mettre à jour et d’échanger avec d’autres responsables QHSE. Réactualiser ses pratiques en écoutant les problématiques des autres entreprises, ça change notre regard."

De la contrainte à l’opportunité

Aujourd’hui, la réglementation impose la traçabilité des déchets. Dès 2025, les taux de valorisables autorisés dans les bennes DIB seront encore réduits. Mais cette exigence est aussi une opportunité. "Travailler sur la gestion des déchets, c’est un levier pour la démarche RSE, rappelle Angélique Barré. Cela permet de réduire les coûts, de valoriser son image et de mieux répondre aux attentes des clients". Chez Rustin, l’accompagnement de la CCI ne s’est pas arrêté au tri des déchets. "Nous avons entamé une nouvelle étape avec un diagnostic écoconception, confie Ludivine Frugier. Cette première évaluation va nous permettre d’y voir plus clair avant de nous lancer dans le programme Écoproduire". Pour Corina Batard, "ce nouveau pas s’inscrit dans la continuité de notre démarche RSE. L’objectif est de réintégrer une partie du caoutchouc dévulcanisé dans notre production. C’est technique, mais cela correspond à notre volonté d’agir concrètement, sans compromis sur la qualité". Une transition concrète en cohérence avec leur politique RSE. 
La dimension environnementale devient aussi un critère différenciant dans les appels d’offres. "Et communiquer sur ses bonnes pratiques est un moyen de se démarquer et de séduire des talents sensibles à ces enjeux", souligne Angélique Barré. Pour s’engager dans cette dynamique vertueuse, l’approche de la CCI reste pragmatique : sensibilisation, diagnostic, conseil, formation… Chaque entreprise entre dans le parcours à son rythme. "Le recyclage est souvent le réflexe, mais c’est le dernier maillon. On commence par réduire, réemployer puis recycler : c’est la logique des 3R, notre base de travail !" conclut Angélique Barré.

Élise Pierre

(1) Filière à responsabilité élargie du producteur (REP) : toute entreprise qui fabrique, distribue ou importe un produit est responsable de ses déchets jusqu’à leur traitement final.

 

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