Indemnités journalières de la Sécurité sociale : Réforme des modalités de calcul

Alors que l’on observait une croissance annuelle des dépenses d’arrêts maladies de 2,9 % entre 2010 et 2019, cette croissance s’établissait à 6,3 % entre 2019 et 2023. Cette progression a été jugée, par le Premier ministre, lors de son allocution du 15 juillet 2025, insoutenable pour le budget de la Sécurité sociale. À ce titre, une nouvelle réforme de l'assurance maladie est sur les rails.
Celle-ci devrait, une fois encore, modifier le cadre législatif alors même que, dans le cadre de l’adoption de la Loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2025, guidée par une volonté générale de limiter les dépenses, le gouvernement avait déjà cherché des pistes pour réduire celles liées aux arrêts maladies.
Ainsi, le décret n° 2025-160 du 20 février 2025 pris en application de la LFSS pour 2025 - passé presqu’inaperçu compte tenu du contexte pour le moins particulier d’adoption de la loi - a entériné la solution du gouvernement en prévoyant l’abaissement du plafond des rémunérations prises en compte pour le calcul des Indemnités journalières de la Sécurité sociale (IJSS). Cette mesure destinée à maîtriser les dépenses liées aux arrêts de travail n’est toutefois pas neutre pour les employeurs.
Le calcul des IJSS depuis l’entrée en vigueur du décret du 20 février 2025
Conformément aux dispositions légales de l’article L.323-4 du code de la Sécurité sociale (CSS), l’IJSS correspond, sous réserve d’en respecter les conditions d’attribution, "à une fraction des revenus d’activité antérieurs soumis à cotisations à la date d’interruption du travail, retenus dans la limite d’un plafond et ramenés à une valeur journalière".
Les articles R.323-4 et R.323-5 du même code donnent davantage de précisions sur le calcul de ces indemnités en expliquant que l’IJSS est "égale à la moitié du revenu d’activité antérieur" (cf. article R.323-5 du CSS), lequel est calculé sur la moyenne des salaires bruts des 3 derniers mois de salaire - ou des 12 derniers mois en cas d’activité saisonnière ou discontinue - perçus par le salarié avant son arrêt de travail (cf. article R.323-4 du CSS).
Ces revenus d’activité sont pris en compte dans la limite d’un plafond fixé, antérieurement, à 1,8 fois le Smic mensuel.
Le décret du 20 février 2025 précité a toutefois modifié ce plafond à la baisse dans l’objectif de réduire les dépenses liées au versement des IJSS en cas d’arrêt maladie. Ce plafond est passé de 1,8 fois le Smic (soit 3 243,24 euros bruts en 2025) à 1,4 fois le Smic (soit 2 522,52 euros bruts en 2025).
Ce faisant, compte tenu de cet abaissement, le montant IJSS sera nécessairement et proportionnellement diminué. À ce titre, le montant maximal de l’IJSS est passé de 53,31euros (1,8 fois le Smic) à 41,47 euros (1,4 fois le Smic).
Cette mesure est entrée en vigueur au 1er avril 2025, ce qui signifie que pour tous les arrêts de travail émis à compter de cette date, la prise en compte des rémunérations antérieures à l’arrêt sera plafonnée à 1,4 fois le Smic. À l’inverse, pour les arrêts émis avant le 1er avril 2025, le plafond reste le même, c’est-à-dire 1,8 fois le Smic.
Quelles conséquences pour l’employeur ?
À titre liminaire, il convient de rappeler que l’employeur est légalement (ou conventionnellement) tenu, lorsque l’un de ses salariés est en arrêt maladie, de lui garantir un maintien partiel, ou total en cas de stipulations conventionnelles favorables, de sa rémunération. Le montant de ce maintien de salaire total ou partiel est versé déduction faite du montant des IJSS dont le salarié bénéficie.
Du fait de la diminution du montant des IJSS en lien avec l’abaissement du plafond évoqué, l’indemnité versée par l’employeur au titre du maintien de salaire va nécessairement augmenter occasionnant donc un coût financier supplémentaire pour l’employeur qu’il sera seul à supporter.
De la même manière, les organismes de prévoyance - qui peuvent compléter la part de l’employeur lorsqu’elle ne couvre pas l’intégralité de la perte de revenu du salarié ou prendre le relai lorsque le maintien de salaire a expiré - devraient être davantage sollicités du fait de la baisse du montant des IJSS.
Ces organismes devraient donc être amenés à répercuter la hausse de leur intervention par une augmentation des cotisations des contrats de prévoyance occasionnant un nouveau surcoût financier pour l’employeur.
Comment l’employeur peut-il lutter contre la hausse des coûts qu’il doit supporter ?
L’employeur dispose, pour lutter contre les arrêts abusifs et éviter de supporter ces coûts financiers, d’un recours qu’est la contre-visite médicale, dont les modalités ont récemment été définies.
La contre-visite médicale est un dispositif donnant l’occasion à l’employeur, qui mandate un médecin à cet effet, de vérifier le bien-fondé de l’arrêt de travail et le respect par le salarié de ses obligations de présence à son domicile (ou au lieu renseigné). Le salarié ne peut pas refuser de s’y soumettre puisque cette contre-visite médicale constitue une contrepartie à l’obligation de l’employeur de maintenir tout ou partie de la rémunération du salarié absent.
Lorsque le médecin mandaté constate que l’arrêt n’est pas justifié - soit parce que le salarié ne présente aucune pathologie, qu’il est absent de son domicile ou encore qu’il ait refusé de s’y soumettre… - l’employeur est en droit de suspendre le versement des indemnités complémentaires qu’il verse au salarié au titre de sa maladie.
Attention, ce dispositif ne permet toutefois pas à l’employeur de sanctionner ou de licencier un salarié dont l’arrêt a été jugé injustifié par le médecin contrôleur.
En conclusion, le régime actuellement en vigueur devrait encore évoluer à l’occasion de la prochaine Loi de financement de la Sécurité sociale. À titre illustratif, le gouvernement envisage d’allonger le délai de carence avant la prise en charge de l’arrêt maladie. Ce délai pourrait passer à cinq jours...
Alexis Stervinou et Olivier Hainaut
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Alexis Stervinou, juriste en droit social
Olivier Hainaut, avocat en droit social