Espagne, la destination européenne à ne pas manquer

En matière d’export, on peut dire que les temps sont difficiles et que l’on manque clairement de visibilité. La conjoncture inciterait plutôt à se focaliser sur les valeurs sûres comme notre voisine, l’Espagne, que l’on connaît, où nos produits sont appréciés et qui présente des perspectives encourageantes. C’est en tout cas le constat fait par Richard Gomes, directeur Espagne-Portugal de Business France. Interview.
Quel est l’état de santé de l’Espagne ?
Le patient va bien, puisque c'est ce qui se fait de mieux en Europe en termes de taux de croissance. L'année 2024 s'est terminée avec 3,2 % de croissance. En comparaison, c'est 1,1 % pour la France et moins 0,2 % pour l'Allemagne. C'est quatre fois plus que la moyenne européenne de la zone euro (0,7 %). Même si les prévisions ne tiennent pas compte des rebondissements de ces derniers mois, elles sont de 2,4 % en 2025 et 2,2 % en 2026, c’est encore quatre fois plus que ce qui est envisagé au niveau européen, au moins dans la zone euro, donc l'Espagne va très bien.
Ce sont nos voisins. Beaucoup de gens connaissent l'Espagne, sa culture. Peut-on considérer que l'Espagne est une destination facile pour les entreprises françaises ?
Oui, c'est facile parce que géographiquement c'est à côté et culturellement, ce n'est pas très éloigné. Il n'y a pas de droit de douane, donc ça reste effectivement un marché facile d'accès.
Après, forcément, il y a des différences. L'Espagne est un pays multiple, comme la France l'est aussi. L'Espagne du Nord est très différente de l'Espagne du Sud. Il y a des particularités administratives comme les communautés autonomes qu'il faut avoir en tête.
Est-ce qu'il faut appréhender cette organisation administrative différente pour faire de l'export en Espagne ?
C'est effectivement la bonne manière d'aborder les choses. Les gens de l'Atlantique sont très différents de ceux de la Méditerranée. En Espagne, cette diversité, on la retrouve aussi dans le nombre de langues officielles. Il y en a six, le castillan dans toute l’Espagne puis le basque, le catalan, le galicien, le valencien et l’aranais. Ça reste très fort et il y a vraiment des particularités régionales. Après, tout le monde parle le castillan et quand on veut faire du business, on ne va pas vous obliger à parler en catalan ou en basque. Mais pour la distribution par exemple, il y a quelques normes et quelques étiquettes qu'il faudra rapidement adapter à la langue locale.
Quels sont les secteurs les plus porteurs pour les entreprises françaises ?
Une des révolutions, bien sûr, c'est le tourisme de luxe. C'est quelque chose qui est nouveau depuis quelques années et notamment à Madrid. Historiquement, c'était Barcelone la porte d'entrée touristique, et puis après les Baléares, Ibiza, etc. Une fois que l’on a dit luxe et tourisme, il y a aussi les biens de consommation. On a tout ce qui est secteur de la décoration qui va aussi avec l'immobilier de luxe se développant également.
Le secteur de la santé est très fort aussi, avec beaucoup d'exportations françaises. Les besoins sont nombreux en pharmacie et parapharmacie notamment.
C'est un énorme pays de production agroalimentaire, mais dont la productivité est plutôt basse. Donc la France vend beaucoup sur la partie amont comme les machines. À l'autre bout de la chaîne, ce qui avait un peu disparu et qui revient en force lié au tourisme de luxe, ce sont des marques de luxe dans l'agroalimentaire, dans la gastronomie qui viennent en force ici et qui s'installent maintenant en Espagne.
Qu'en est-il pour le secteur industriel ?
L'Espagne est le deuxième pays au monde en nombre de kilomètres de lignes à grande vitesse. Devant nous, juste derrière la Chine. Le secteur ferroviaire est intéressant. Il y faut de la maintenance et du réinvestissement. L’Espagne veut favoriser et améliorer tout ce qui est train de banlieue qui a été un peu mis de côté.
Moins connus, mais en plein boum aussi, l'aéronautique et le spatial qui se développent grandement du côté espagnol. Secteur traditionnel, l'automobile (avec plus de voitures produites qu'en France chaque année) reste encore un centre de production très fort.
Est-ce que les entreprises françaises connaissent ces opportunités ?
Oui, parce qu'on leur dit. On n'a jamais eu autant de demandes d'entreprises qu'en ce moment. Nous accompagnons quasiment 1 000 entreprises différentes chaque année sur l'Espagne. Ce qu'il faut savoir, c'est que la France est une référence pour les Espagnols. Un peu comme nous, l'Allemagne est une référence. Et donc ce qu'apportent les entreprises françaises est très demandé par les Espagnols.
Quels sont les principaux défauts des entreprises françaises quand elles abordent le marché espagnol et qu'il faudrait corriger ?
Alors, le classique, l’arrogance, c'est-à-dire "j'arrive en terrain conquis !" Les Espagnols sont très demandeurs, mais ça ne veut pas dire que c'est une expansion naturelle de la France. Il faut s’adapter au marché espagnol et aux interlocuteurs. Donc le côté, "j'arrive, mon produit est génial et donc tu vas l'acheter", non, ça ne marche pas comme ça.
L'Espagnol achète un produit, mais il achète aussi la personne qui le vend. On est dans une relation très forte avec la personne et les interlocuteurs sont aussi importants quasiment que le produit.
La deuxième chose, c'est ce côté one-shot : "je viens une fois par an, ça suffit, et ensuite, les ventes continuent". Non, il faut aussi des preuves d'amour régulières avec les Espagnols.
L’Espagne n'attire pas que les Français. Quels sont les autres concurrents ?
Les Chinois, mais je dirais qu’ils sont un peu partout. Et après, au niveau européen, c'est plutôt l'Italie et le Portugal sur des produits de faible valeur ajoutée. Et sur les produits à forte valeur ajoutée, on retrouve les Allemands. On identifie aussi les Américains notamment dans l'aéronautique et dans la défense qui va devenir un gros sujet. Sur la partie tech, on est en concurrence avec ce qui se fait de mieux entre États-Unis, Allemagne et Angleterre.
Pierre-Jacques Provost
Mission de prospection commerciale
Europe du Sud
La Team France export de la région Pays de la Loire organise une mission collective de prospection commerciale sur l'Europe du Sud du 13 au 17 octobre, avec un ou deux pays au choix dont l'Espagne, l'Italie, la Grèce et le Portugal.
48 millions d’habitants
81 % de la population est urbaine
506 002 km2 pour 95 habitants/km2
6,8 millions d’habitants à Madrid et sa banlieue, pour 19,3 % du PIB
4e économie de la zone euro
2e destination touristique mondiale en valeur
+ 3,2 % taux de croissance en 2024
11,2 % taux de chômage en 2024
L’Espagne est le 4e client de la France et son 5e fournisseur
La France est le 1er client de l’Espagne et son 3e fournisseur