Santé du dirigeant d’entreprise : Un bien immatériel de mieux en mieux pris en compte

Comme l’affirme Olivier Torres, chercheur universitaire et fondateur de l’observatoire Amarok de la santé des dirigeants : "Le capital santé d’un dirigeant de PME est le premier capital immatériel de l’entreprise."
"Il y a 10 ans, la Fondation MMA des Entrepreneurs du Futur a été parmi les toutes premières à travailler sur le sujet et à le mettre en lumière. Aujourd’hui, de plus en plus de structures s’y intéressent et, surtout, les dirigeants affirment leur volonté de prendre leur santé en main", souligne Sylvie Bonello, déléguée générale de la fondation précitée.
90 % de dirigeants en bonne santé
Dès à présent, cette évolution des mentalités et des pratiques génère des résultats positifs, comme le démontre l’étude réalisée en 2024 par la Fondation MMA des Entrepreneurs du Futur et Bpifrance Le Lab, auprès de 1 500 chefs d’entreprise, directeurs, gérants de TPE, PME et ETI de tous secteurs d’activité. Au cours de ces entretiens, 90 % des dirigeants interrogés se sont ainsi déclarés en bonne ou très bonne santé physique, et 76 % d’entre eux ont assuré être en bonne forme psychologique.
Ne pas cacher la maladie
Dans ce même esprit, les chefs d’entreprise abordent beaucoup plus facilement le sujet de la maladie en interne, a fortiori lorsque celle-ci est grave. L’enquête révèle que 87 % des dirigeants atteints d’une pathologie de longue durée (cancer, maladie chronique, accident cardio-vasculaire, Covid long, etc.) en informent leurs conseils (avocats, comptables…), leurs collaborateurs les plus proches, leurs associés… voire leurs clients, prestataires et fournisseurs. Ce chiffre met en évidence un changement profond des mentalités.
"Au vu de leur expérience personnelle et des situations observées, les chefs d’entreprise ont constaté que des difficultés de santé, chroniques ou invalidantes, réduisent leurs performances et les conduisent à être moins disponibles. Nombre d’entre eux ont désormais bien conscience que la mauvaise santé du dirigeant peut nuire à l’entreprise en ayant un impact négatif sur l’organisation, le chiffre d’affaires, les services… et même remettre en cause son existence", explique Sylvie Bonello.
C’est pourquoi ils sont de plus en plus nombreux à s’inscrire dans une démarche préventive, en modifiant leur hygiène de vie. Pour preuve : 54 % ont repris une activité physique régulière, 48 % s’attachent à avoir une alimentation plus saine, 30 % ont diminué leur consommation d’alcool, 24 % ont arrêté de fumer et 27 % ont mis en place des check-up réguliers avec leur médecin (33 % des plus de 50 ans).
Ne pas repousser la consultation
Cependant, les données collectées démontrent que les progrès obtenus en matière de prévention restent fragiles. Plusieurs signaux invitent à la vigilance et incitent à renforcer la communication.
En premier lieu, même si plus du quart des dirigeants effectuent des check-up réguliers, deux tiers d’entre eux attendent d’être confrontés à un problème de santé pour consulter leur médecin. De surcroît, trop de chefs d’entreprise (32 %) déclarent encore avoir renoncé à prendre rendez-vous chez le médecin, faute de temps, parce qu’ils estiment qu’il n’y a pas d’urgence.
"Or, nous savons parfaitement que la prévention permet de diminuer considérablement le développement de maladies graves et que, plus les pathologies sont détectées rapidement, plus il est possible de les soigner aisément", rappelle Sylvie Bonello.
Mieux prendre en compte la santé psychologique
Une attention toute particulière doit aussi être portée à la santé psychologique du dirigeant. "Là encore, ce sujet est aujourd’hui pris véritablement au sérieux et ce que l’on qualifiait de stress il y a une dizaine d’années est, maintenant, considéré comme une pathologie", poursuit Sylvie Bonello.
En 2024, 24 % des chefs d’entreprise interrogés définissent leur forme psychologique comme "mauvaise" ou "passable". Ce phénomène est plus accentué chez les plus jeunes, ainsi que dans les secteurs de l’agriculture, du bâtiment et des transports. Or, le lien entre santé mentale et santé physique est incontestable, et il est à présent admis que des difficultés psychologiques peuvent favoriser le développement de pathologies parfois sévères.
Prendre soin de soi pour mieux diriger
"C’est pourquoi nous affirmons que le dirigeant doit d’abord prendre soin de lui, mieux concilier vie professionnelle et vie privée, être attentif à son hygiène de vie, dans le but de se protéger et, ainsi, de protéger son entreprise, conclut Sylvie Bonello. La prévention doit être une priorité. Il est important de s’écouter. Enfin, la maladie, si elle vous frappe, ne doit surtout pas être vécue comme un handicap. Chacun a le droit d’être malade et de bénéficier d’un accompagnement qui permettra de se soigner, mais aussi de préserver l’entreprise."
Emmanuel Chevreul
Huit facteurs clés de longévité
- Ne pas fumer
- Avoir une activité physique régulière
- Surveiller son poids pour ne pas être en situation d’obésité (conserver un indice de masse corporelle inférieur à 30)
- Ne pas boire plus de 4 verres d’alcool par semaine
- Dormir entre 7 et 9 heures par nuit
- Maintenir une tension artérielle entre 80 et 120
- Limiter sa consommation de sucre pour conserver un taux de glycémie correct
- Maintenir un taux de cholestérol LDL dans une fourchette saine
Quelles sont les douleurs les plus fréquemment ressenties par le dirigeant ?
Mal au dos (47 %), douleurs articulaires (38 %), troubles du sommeil (36 %), migraines (22 %), troubles oculaires (18 %).
Cancérologue installé au Mans depuis une vingtaine d’années, professeur en e-santé et intelligence artificielle, Fabrice Denis (1) s’est fait connaître par la conception d’une vingtaine d’applications numériques visant à renforcer la prévention médicale. L’une des premières applications avait pour objectif de détecter les récidives de cancer.
Récemment, le professeur Denis a cofondé, avec trois autres praticiens, la clinique de l’Étoile au Mans. Dans cet établissement, il réalise au sein de l'institut Astrium des bilans médicaux sur une journée d’une précision inégalée, en s’appuyant sur 800 paramètres définis à partir des méthodes scientifiques les plus avancées (en biologie, génomique, pharmacogénomique, épigénétique, imagerie, diététique…).
"Notre mission est de déterminer l'âge objectif du patient, pour l'améliorer grâce à une prise en charge et un suivi médicalisé personnalisé, innovant, reconnu et accompagné", résume Fabrice Denis.
Dès à présent, 55 % des patients de l'institut sont des dirigeants d’entreprise, dont un tiers est à la tête d’une PME. "Pour ces entrepreneurs, cette démarche de prévention, voire de détection précoce, représente un véritable investissement. En s’attachant à préserver leur santé, ils contribuent à pérenniser leur entreprise et à inscrire une stratégie sur le long terme, poursuit le professeur. C’est le meilleur moyen d’éviter l’évitable !"
(1) Médecin spécialiste en oncologie, chercheur associé au CNRS, expert auprès de la haute autorité de Santé et du ministère de la Santé.